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Économie

La production mondiale du surplus

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État

Les économies structurent les civilisations

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Monnaie

La monétisation
des routes de la soie

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Banque

La bancarisation dématérialise la monnaie

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Finance

Les révolutions préparent la financiarisation

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Industrie

L'industrie du littoral Atlantique Nord

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Asie

Décolonisation
de
l'après-guerre

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Énergie

La problématique énergétique de la globalisation

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Krach financier Hope and C° Emprunt d'État Louisiane


Krach financier


La Révolution Atlantique regroupe la plupart des transformations administratives, financières ou sociales autour du littoral Atlantique entre le XVIII ème siècle et le XIX ème siècle. Toutefois, cette faible dispersion géographique ne va pas de pair avec sa nature protéiforme. Car même si elle met en avant les droits de l’homme et la liberté individuelle, elle développe tout autant l’économie financière, à l'instar de la Révolution financière britannique qui débute par un affrontement religieux. À cet égard, la révocation de l’édit de Nantes dans le royaume de France coïncide avec le couronnement du très catholique Jacques II d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, l’année 1685. En effet, cette Révolution, qui transcende d’emblée les frontières des royaumes, est initiée par les esprits britanniques les plus opposés aux réformes de Jacques II et à sa Déclaration d'indulgence accordant la liberté de culte à tous les catholiques. Les implorations de ces «Immortal seven» trouvant un écho des plus favorable auprès d’un conseil municipal d’Amsterdam séduit à l’idée d’une intervention de Guillaume III d’Orange-Nassau dans leur royaume d’Angleterre. Voilà pourquoi les États de Hollande et de Frise occidentale mobilisent cinquante-trois vaisseaux de guerre, quatre cents navires de transport, trois mille cavaliers et quinze mille fantassins, tout en s’assurant la protection de treize mille mercenaires dont une très grande partie est originaire du duché de Prusse.

Cette puissante armée, qui débarque sur le sol anglais sous la bannière «The liberties of England and the protestant religion, I will maintain», n’a aucun mal à contraindre le roi Jacques II à l’exil. Le Parlement d’Angleterre y voyant là une raison suffisante pour transférer la couronne aux co-monarques Marie II d’Angleterre et Guillaume III d’Orange-Nassau, qui contresignent la Déclaration des droits du Parlement d’Angleterre et des libertés fondamentales, l’année 1689. Pourtant, le royaume de France ne tient pas cette Glorieuse Révolution pour acquise et menace aussitôt les intérêts de Guillaume III d’Orange-Nassau ainsi que ceux des royaumes protestants alliés aux royaumes d’Espagne, de Suède et du Danemark au sein de la Ligue d’Augsbourg. Bref, tout cela mène l’Europe à son premier conflit quasi-industrielle dans lequel une flotte moyenne comporte usuellement une soixantaine de vaisseaux, plus de quatre mille canons et environ vingt mille marins. Et il n’est pas exceptionnel que cent soixante mille soldats se combattent dans de gigantesques batailles terrestres. Mais lors même que la fin justifierait tous ces moyens, aucuns d’entre eux n’apportent la victoire à un roi de France Louis XIV se résignant finalement à reconnaître Guillaume III d’Orange-Nassau comme unique souverain du royaume d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande.

Cette Glorieuse Révolution laisse ensuite la place à un processus d’innovations bancaires déclenché par quelques expatriés néerlandais et pour lequel la Banque d’Angleterre jouera un rôle majeur. Cette institution primordiale à la Révolution financière britannique est une société par actions disposant du monopole d’émission des billets de banque ainsi que de l’escompte des billets à ordre et des lettres de change. Elle n’est pas encore une institution au centre des systèmes de paiements, qui garantit les règlements et le contrôle de l’expansion de la masse monétaire, mais l’émission de ses premiers billets l’année 1696 donne déjà quelques résultats. Car, sans aucun doute, c’est grâce à elle que se maintient une certaine liquidité en dépit de la baisse de la production des mines du Potosi bolivien et de la refonte des espèces d’argent sous la direction conjointe du Chancelier de l’Échiquier Charles Montagu et du gardien de la Royal Mint Isaac Newton. Toutefois, cette diffusion des billets de banque ne peut se faire sans les monnaies d’or sur lesquelles elle s’appuie. C’est pourquoi la diffusion des premiers billets s’accomplit aussi dans un contexte spécifique d’afflux d’or du Minas Gerais brésilien, dont les gisements équipés des premières pompes à eau représentent près de 80 % de la production mondiale pour le seul XVIII ème siècle. Du reste, les mille tonnes d’or mentionnées dans les livres d’enregistrement du royaume de Portugal ne tiennent pas compte de la contrebande captée par le royaume d’Angleterre que l’on estime à plus de la moitié de ces quantités déclarées. L’«humble remontrance de Nicolas Briot au Roi» le confirmant en précisant que «l’or, plus cher en Angleterre de 2,5 à 3 %» y favorise son transfert permanent.

Le financement de cette quasi-industrialisation ne revient cependant pas exclusivement aux billets de banque, puisque le budget public du royaume apporte sa contribution par l’intermédiaire d’instruments financiers tels que les Navy bills. Grâce à eux, la Royal Navy devient trois fois supérieure en nombre à la flotte française et s’accapare les comptoirs commerciaux français ou néerlandais dans les océans Atlantique, Indien et Pacifique. Il est donc logique que la multiplication de la dette publique anglaise par cinquante en moins de deux décennies se traduit par une fiscalité agressive. Par exemple, la Land Tax, un impôt sur la propriété foncière, apporte un financement public utile à l’émergence du secteur industriel tout en affaiblissant l’aristocratie terrienne proche des catholiques. En résumé, la Révolution financière britannique s’appuie sur la politique monétaire, la dette publique, sans oublier la création des bourses de valeurs où s’échangent les capitaux propres des sociétés sous forme d’actions.

Le cours de l’action de la Compagnie des mers du Sud
Ce dernier commerce débute de facto à Londres au XVIII ème siècle dans les cafés Garraway’s et Jonathan’s Coffee-House où l’on publie le cours des actions de cent quarante sociétés sous l’intitulé «Le cours des échanges et autres choses». Les premières spéculations provoquent même l’éclatement de la bulle financière de la Compagnie des mers du Sud qui a indûment prétendu détenir un monopole avec les colonies espagnoles des Amériques, alors qu’elle n’est qu’une compagnie commerciale utile à la conversion en actions de la dette publique. Ce mécanisme de désendettement s’est par ailleurs enclenché lors d’un échange de douze millions de livres de dette publique anglaise contre ses actions. La dette publique se répartissant, dans un premier temps, entre la Compagnie des mers du Sud (24 %), la Banque d’Angleterre (7 %), la Compagnie anglaise des Indes orientales (7 %), la dette remboursable et la dette non remboursable ne pouvant être remboursée par anticipation (62 %). Puis, dans un second temps, la Compagnie des mers du Sud rachète la moitié de la dette publique britannique au taux d’intérêt réduit à 4 %, contre de nouvelles actions, avant de devenir la principale créancière du royaume avec 85 % des dettes remboursables et 80 % des dettes non remboursables. On observe à ce titre que le cours de l’action augmente tout au long de la période de négociation avec la publication de rumeurs extravagantes ou grâce à la promulgation de la loi «South Sea Act» imposant aux compagnies à capital public l’obtention d’une charte royale. Par conséquent, le cours atteint un maximum à peu près égal au salaire annuel du directeur du journal Post Man, juste avant que l’éclatement du système de Law dans le royaume de France ne précipite le dénouement de ce dispositif spéculatif où l’achat à crédit oblige à revendre. En un mois, le prix de l’action se divise par six et la Compagnie des mers du Sud subsistera difficilement jusqu’à l’extinction des dettes publiques britanniques non remboursables en sa possession.

Reçu de paiement sur les actions de la South Sea Company

Quant à son contemporain de l’autre côté de la Manche, à savoir le système de Law, il reprend quelques-uns de ces traits en contribuant lui aussi à apurer les comptes publics. Sa fonction primordiale n’était pourtant que de prendre en dépôt les espèces métalliques afin de les échanger contre des billets convertibles acceptés en paiement de l’impôt. Mais sa banque adossée à une compagnie commerciale montra très vite son ambition de réduire une dette publique française vingt fois supérieure aux recettes fiscales annuelles. Les financiers avaient pour cela structuré le capital de la Banque générale avec des actions payables au trois quarts en billets de l’Estat et le reste en espèces métalliques. Puis, une fois renommée Banque royale, la promulgation d’un édit royal lui garantit la totalité de ses émissions de billets, de manière à si bien valoriser son cours boursier qu’elle accrut ses échanges d’actions contre des billets de l’Estat. Les espèces métalliques d’or et d’argent furent alors respectivement exclues des transactions commerciales au dessus de trois cents et de dix livres tournois, et seuls les billets convertibles furent autorisés pour les transactions supérieures à ces montants. La Banque royale disposa comme cela d’un capital suffisant pour racheter la Compagnie de la Louisiane et la fusionner avec la Compagnie de Chine, la Compagnie du Sénégal et la Compagnie française des Indes orientales au sein d’une Compagnie perpétuelle des Indes. Les options sur l’achat de ses actions donnant droit, en contrepartie d’un paiement préalable de mille livres tournois, à l’achat d’une action au prix de dix mille livres tournois. Le cours de l’action culmina au moment de la fusion de la Banque royale avec la Compagnie perpétuelle des Indes en février 1720, mais le dénouement de ce dispositif spéculatif commença lorsqu’un édit royal vint fixer d’autorité le prix de la nouvelle action à neuf mille livres tournois. Quelques porteurs vendirent dès lors leurs actions contre des billets convertibles, qui ne pouvaient plus être échangés depuis que John Law avait interdit la possession de plus de cinq-cents livres tournois de métaux précieux par foyer, avant qu'un mois plus tard un nouvel édit royal ne condamne définitivement ce système en rétablissant la libre détention de toutes les espèces métalliques. La conversion en or de tous les billets du prince de Conti déclencha, en conséquence, une si grande panique que la bourse des valeurs de la rue Quincampoix dut fermer en mars 1720. Et comme les investisseurs avaient pris conscience que le montant total des billets convertibles en circulation était largement supérieur à l’encaisse de la Banque royale, les billets furent démonétisés en juillet 1720. Bref, ce stratagème désendetta l'État, mais il dévalorisa tellement l’usage des billets de banque qu’il rendit impossible la création d’une banque de France pendant plus d’un siècle.






Hope and C°


La machine à vapeur de Newcomen
Si ces bulles spéculatives ont désendetté les royaumes de France et d’Angleterre, force est de constater que seul le royaume d’Angleterre s’industrialisera si bien que sa principale problématique économique ne sera presque plus qu’énergétique. Cette indispensable énergie, qui ne peut ni se créer ni se détruire, mais seulement se transformer, oblige effectivement l’industrialisation anglaise à perfectionner son usage thermique pour le transformer en énergie mécanique. C’est du reste à partir de ce postulat que naît la thermodynamique, une science de la chaleur dont on réserve les premières machines à l’exhaure des mines. À ce propos, dès la fin du XVII ème siècle, le mécanicien Thomas Savery avait déposé le brevet d’une pompe fonctionnant à la vapeur avant de publier un croquis simplifié de sa machine et d’être rejoint par Thomas Newcomen. Ensemble, ils élaborèrent une machine à balancier autour d’un pivot central avec, d’un côté, une chaîne reliée à une pompe au fond de la mine et, de l’autre, une chaîne reliée à la tige d’un piston à l’intérieur d’un cylindre vertical. L'installation de la première machine sur le continent européen dans une houillère à Jemeppe-sur-Meuse l’année 1721 rend ainsi possible l’extraction minière à de grandes profondeurs. Mais surtout, ces machines participent activement à la création des premières sociétés par actions des mines de charbon, tout spécifiquement à Newcastle où quelques entrepreneurs britanniques, tels que l’actionnaire administrateur de la Banque d’Angleterre Charles Montagu, les associent à des wagons posés sur des rails en bois. Voilà pourquoi le premier pont au monde portant des rails, l’Arche de Causey, est également construit à proximité de Newcastle l’année 1727. Les houillères d’Angleterre exploitent de cette manière plus d’une centaine de machines à vapeur jusqu’aux inventions du cylindre à double action et de la chambre de condensation par James Watt. La double action entraîne le piston à la descente comme à la montée, tandis que la condensation limite le besoin en réserve d’eau.

Ces deux technologies, déterminantes dans leurs applications minières, ferroviaires ou navales, n’auront cependant jamais l’importance du coke. À ce sujet, on ne sait pas de quand date l’invention de ce combustible employé dans la réduction du minerai de fer, mais l’ingénieur Dudd Dudley aurait déposé un brevet dès le début du XVII ème siècle. Les ressources forestières contraignèrent ainsi la production de fonte jusqu’à ce que son arrière-petit-neveu Abraham Darby industrialise le procédé. Les métaux qu’il confectionne servent à fabriquer des pompes à vapeur qui, à leur tour, diminuent les coûts d’extraction de la houille dont on obtient le coke par une pyrolyse dans un four à l’abri de l’air. Néanmoins, malgré les vertus économiques d‘un tel système, la production de fonte au coke ne représente que 5 % de la production totale au milieu du XVIII ème siècle et atteint sa première maturité en Angleterre à partir de la guerre de Sept Ans. D'ailleurs, cette guerre ne peut être détachée de la fondation du royaume de Prusse par le prince électeur de Brandebourg, Frédéric I er de Prusse, étant donné que son royaume, qui présentait les caractéristiques d’un marché émergent, était financé par quelques banquiers d’Amsterdam. Les capitaux de la banque de Neufville et de ses intermédiaires d’Hambourg ayant permis, grâce à un système complexe de crédit par lettres de change ajouté à la qualité du système de conscription, de mettre en place une armée d’une centaine de milliers de soldats en quelques décennies. Et celle-ci s’illustre tout particulièrement dans cette guerre de Sept Ans où l’enlisement des armées sur le continent européen surclasse toutes les tactiques militaires. Le royaume de Prusse a beau s’allier au royaume de Grande-Bretagne contre une coalition de l’archiduché d’Autriche, de l’Empire Russe et du royaume de France, seules les forces britanniques en ressortent grandes victorieuses. Elles conquièrent un territoire américain allant de la baie d’Hudson jusqu’aux Antilles et s’emparent du premier empire colonial français dans l’océan Indien après la victoire de la Compagnie anglaise des Indes à Plassey.



Au demeurant, le traité de Paris de 1763, qui met fin à trente-quatre batailles en Europe, vingt-deux batailles en Amérique et six batailles aux Indes, reconnaît implicitement le royaume de Prusse comme une puissance militaire de premier plan alors que ses pertes humaines sont estimées à plus de cinq cent mille morts ou déportés. Mais surtout son économie reste à tel point dépendante des dépenses militaires et des investissements étrangers que la conclusion de la paix y déclenche une crise financière. Les marchands prussiens n’obtiennent plus de crédits, ne peuvent plus payer leurs dettes et doivent liquider leurs stocks. Bref, tout ceci entraîne une chute des prix en Europe du Nord et la banque amstellodamoise de Neufville, garante d’un contrat portant sur l’achat de grains à Berlin, doit à son tour se déclarer en banqueroute. Il faut dire que ses dettes approchent les dix millions de florins alors qu’elle ne possède en réserve que huit mille florins. Son exposition aux investissements spéculatifs en royaume de Prusse expliquant en grande partie ce montant dix fois supérieure à la moyenne des autres banques en faillite. L’intervention du roi Frédéric III de Prusse auprès de la municipalité d’Amsterdam n‘y change rien et son système de crédit par lettres de change fait le reste. Les faillites bancaires à Hambourg, Francfort et Amsterdam tombèrent en cascade à l’exception notable des banques Hope and C° d’Amsterdam et John and Francis Baring Company de Londres.

La chronologie de la production de fonte en Europe et aux États-Unis d’Amérique La carte des alliances militaires de la guerre de Sept Ans

Ces financiers avaient émergé des ruines de la bulle spéculative de la Compagnie des mers du Sud avant de se spécialiser en crédits et en assurances aux Provinces-Unies. Le plus célèbre d‘entre eux, Henry Hope, né à Boston, avait auparavant travaillé pour la banque Gurnell, Pare & Harman à Londres avant de fonder la Hope and Company d’Amsterdam à la fin de la guerre de Sept Ans. C’est de là qu’il prête à plusieurs royaumes comme la Suède (quinze millions de dollars américains ($)), l’Espagne (neuf millions de $), le Portugal en contrepartie de la concession de diamants, ainsi qu’à la Russie en échange du droit d’exportation de blé, de bois et d’importation de sucre. La prospérité mondialement reconnue d’Henry Hope l’amène également à recevoir dans sa Villa Velgelegen, aussi bien Adam Smith qui lui dédicace son édition de Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, que les futurs présidents américains John Adams et Thomas Jefferson pour lesquels il négocie des crédits, malgré les Actes de Navigation en vigueur dans les colonies anglaises. La plupart de ces crédits étant octroyés à partir d’un fonds commun de plusieurs investisseurs où l’on retrouve à maintes reprises la banque d’affaire John and Francis Baring Company de Londres. En fait, ces banques deviennent si puissantes qu’elles pourraient à la fois financer les guerres, les colonies et l‘industrialisation.

Car, dorénavant, pour rembourser leur dette, les États devront innover fiscalement. C’est même déjà le cas, puisqu'à contre-courant des théories classiques la pression fiscale contraint de moins en moins la croissance économique. Aussi, le processus d’industrialisation a une telle portée sur les finances anglaises que le montant de sa dette publique ne détermine plus son taux d’intérêt, comme le prouve le rendement obligataire moyen anglais inférieur à celui du royaume de France tout au long du XVIII ème siècle, et ceci malgré une dette publique deux fois supérieure. Du coup, le montant des taxes anglaises par habitant triple par rapport à celui du royaume de France, même si cette fiscalité agressive est difficilement supportée dans les Treize colonies britanniques d’Amérique du Nord, beaucoup plus rurales. Le vote des Sugar Act, Quartering Act, Currency Act, Stamp Act 1765, American Colonies Act 1766 ou Townshend Acts par le Parlement de Grande-Bretagne y attise la révolte. En l‘occurence, le Sugar Act réduit de moitié les taxes sur la mélasse importée non britannique tout en étendant son application à d’autres produits ; le Quartering Act (ou Loi de cantonnement des troupes) prévoit de loger à titre gracieux les soldats britanniques ; le Currency Act interdit l’émission du Colonial Script (une lettre de change, gagée sur la propriété foncière, non convertible en métaux précieux) et le Stamp Act 1765 oblige tous les documents officiels à être munis d’un timbre fiscal. Et c'est ce dernier impôt qui cristallisera les revendications révolutionnaires alors qu'au départ seules quelques colonies refusent de l’appliquer au motif que la «Taxation without représentation is Tyranny».

La Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique
Ce n’est donc qu’après quelques échauffourées que toutes les colonies américaines le rejettent en bloc et soutiennent les principes d’une révolution américaine énoncés par le magistrat de Boston, James Otis, dans son ouvrage Défense et démonstration des droits des colonies britanniques. D'autant plus facilement que l’American Colonies Act 1766 aggrave la situation en donnant tout pouvoir aux autorités coloniales. Les colons américains rejettent effectivement cette dernère loi, ainsi que les Townshend Acts, en boycottant les marchandises britanniques et en achetant en contrebande aux Fils de la Liberté que l’on retrouve en grand nombre à Boston ; Là même où les quatre mille soldats britanniques sont perçus comme une force d’occupation depuis qu’ils y ont tués cinq individus au Massacre de Boston. Ce soutien quasi-inconditionnel convainc finalement les anglais, qui ne vendent plus que deux cent cinquante kilogrammes annuels de thé au lieu des cent quarante-cinq tonnes habituelles, à voter le Tea Act exemptant de droits de douane leurs importations de thé de Chine. Toutefois, cette initiative prouve surtout qu’ils ne maîtrisent plus leurs colonies, car les Fils de la Liberté saisissent cette occasion pour, déguisés en Amérindiens, détruire quarante-cinq tonnes de thé de Chine dans le port de Boston et empêcher le débarquement des cargaisons. Les autorités coloniales ont beau y répliquer en fermant le port de Boston, en réquisitionnant des maisons habitées ou en renvoyant les procès en Angleterre ; l’insurrection se radicalise. Désormais, les comités de correspondance réunis au sein du Premier Congrès continental à Philadelphie assurent, avec les comités de sécurité, un ordre public distinct des armées britanniques et exigent la reconnaissance des libertés américaines. Le Second Congrès continental, après les victoires des Patriots aux batailles de Lexington et de Concord, officialise à son tour ces dernières modalités en fondant une Armée continentale sous le commandement de George Washington. En outre, cette création des Continental Marines perturbe d’autant plus l’arrivée des renforts britanniques que la Marine royale française lui apporte une aide précieuse après que le Second Congrès continental eut rédigé une Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique.




Emprunt d'État


Cette révolution américaine se répercute dans l’ensemble de l’Atlantique où le partage d’un savoir, d’un langage et d’une écriture à travers l’alphabétisation et les publications commence à structurer les États-nations. Et comme nous l’avons précedemment évoqués, les droits de l’homme et la liberté individuelle y sont mis en avant, mais pas seulement, puisque le traité d’économie politique d’Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, figure en bonne place parmi les publications révolutionnaires. Cet ouvrage traduit en allemand, italien, espagnol, danois et français du vivant de l’auteur, expose que la richesse d’une nation ne provient pas exclusivement de la quantité de métaux disponibles, mais de sa production totale de biens. On y découvre par ailleurs que l’accumulation du capital, une fois associée à la division du travail, accroît le commerce mondial. En fait, ce système économique repose sur la théorie des avantages absolus qui prescrit qu’une nation doit se spécialiser et exporter sa production contre tous les autres biens qu’elle doit importer. Le principal objectif de l’État-nation serait de préserver l’intérêt général en assumant des fonctions régaliennes tout en gérant des «établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou plusieurs particuliers, attendu que, pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais leur en rembourser la dépense».

Bien sûr, d’autres théories économiques, plus ou moins libérales, ont émergé de l’industrialisation. Par exemple, Anne Robert Jacques Turgot, le contrôleur général des finances du roi de France Louis XVI, mit en pratique ses Lettres sur la liberté du commerce des grains en promulguant un édit de libéralisation du commerce des grains supprimant les privilèges commerciaux et les prix fixes ; Une législation ayant incité au stockage des grains dans les régions de bonne récolte pour y être revendus dans les régions de disette. Mais en dépit de cette mauvaise expérience, puisque seule l’intervention de vingt-cinq mille soldats permit de forcer à la vente des stocks spéculatifs, Turgot s’empressa de promulguer six nouveaux édits inspirés des doctrines libérales. Et c'est bien celles-ci, et pas seulement l’adversaire britannique, qui motivent à une plus grande participation française dans la guerre d’indépendance des États-Unis d’Amérique. La Marine royale française bénéficie pour ce faire de crédits quasi-illimités, de sorte à porter son financement annuel de dix-huit millions de livres tournois à cent quatre-vingt-neuf millions de livres tournois. C'est pourquoi l’optimisme affiché par le directeur général des finances Jacques Necker, de promettre la stabilité fiscale, laisse pantois. Très simplement, un rapport budgétaire estime le coût total de cette guerre à six cent quatre-vingt-dix millions de livres tournois pour la seule Marine royale et cinq cent trente millions de livres tournois pour le ministère de la guerre. Autrement dit des dépenses qui surpassent largement les cinq cent millions de livres tournois de recettes fiscales annuelles du royaume de France. L’administration Necker doit donc emprunter la somme de cinq cent trente millions de livres tournois dont trois cent quatre-vingt-six millions sous la forme de rentes viagères. Un tel montage financier alors que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter et que la direction générale des finances ne prévoit qu’une faible réduction des dépenses débouche évidemment sur une catastrophe budgétaire.

Le Continental dollar
Et de par leur montant, ces emprunts ne peuvent être souscris que par des investisseurs institutionnels, dont une très grande majorité pourrait être originaire des Provinces-Unies. Mais comme ceux-ci détiennent déjà près de 40 % de la dette publique britannique, il n’est pas exagéré d’affirmer que l’on doit tout autant aux désastreuses finances publiques qu’à l’idéal révolutionnaire l’apparition d’associations « patriotiques » européennes. Dans ce cas précis, les idées libérales soutiennent les rêves patriotiques et c’est Au peuple des Pays-Bas de Johan Derk van der Capellen que revient le privilège d’inaugurer le premier mouvement européen des Patriotes. Son pamphlet, qui compare l’extension des pouvoirs du stathouder Guillaume V d’Orange-Nassau à une monarchie héréditaire, alimente une révolution batave dans les États de Hollande et de Frise-Occidentale. Les conseils de Rotterdam et d’Amsterdam vote sa destitution jusqu’à ce qu’une invasion prussienne ne le rétablisse. Du coup, l’année 1787, quarante mille Patriotes bataves sont poussés à l’exil dans un royaume de France où les autorités mettent en place une caisse d’amortissement chargée de rembourser plus d’un milliard deux cent soixante millions de livres tournois dans les vingt-cinq années. La direction générale des finances ne sait cependant que trop bien que cette somme ne peut rembourser la dette publique de deux milliards huit cent millions de livres tournois, d’autant plus que l'Assemblée des notables refuse l’impôt et que le Congrès de la Confédération suspend le remboursement de ses dettes en raison de l’effondrement du Continental dollar.

C’est donc au moment où la Convention de Philadelphie adopte la Constitution des États-Unis d’Amérique que le conservatisme français entrave la monarchie. En tout cas, le roi de France Louis XVI semble en être suffisamment convaincu pour dissoudre l’Assemblée des notables. Toutefois, dans l’année, les stocks spéculatifs sur les grains augmentent, les prix du blé et du seigle doublent, et les troubles frumentaires dénoncent le traité de libre échange Eden-Rayneval réduisant les droits de douane des produits manufacturés anglais. Tout ceci pousse le roi de France à convoquer les États-généraux afin d’établir l’égalité de tous devant l’impôt, même si trois ordres distincts s’y répartissent. C'est-à-dire la Noblesse, le Clergé et le Tiers état dont les revendications, à savoir un vote individuel et des délibérations communes, le motive à s’associer à une douzaine de délégués du Clergé pour se proclamer en une Assemblée nationale. Rejoint au Jeu de Paume dès le lendemain par cent quarante-neuf autres délégués du Clergé, ils prêtent tous serment «à ne jamais se séparer et à se rassembler partout où les circonstances l’exigeraient jusqu’à ce que la Constitution soit établie et affermie sur des fondements solides». Le roi de France les considère tout d’abord comme des agitateurs en déclarant que «toutes les décisions prises par les délégués sont nulles, illégales et inconstitutionnelles», mais il se ravise et exige des autres délégués qu’ils se rassemblent en une Assemblée constituante. La responsabilité du roi est, de ce fait, grande dans l’abolition des droits et des privilèges féodaux la nuit du 4 août 1789, d’autant plus qu’il la promulgue par lettres patentes le 3 novembre 1789 en y ajoutant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (D.D.H.C.) ainsi que les Articles de constitution. En l’occurence, la D.D.H.C énonce les principes d’égalité, de liberté, de propriété, de sûreté et de résistance à l’oppression, tandis que les Articles de constitution établissent une monarchie constitutionnelle dans laquelle une assemblée unique est élue tous les deux ans. Et selon le principe de séparation des pouvoirs, celle-ci vote les lois contre lesquelles le roi exerce simplement un droit de veto suspensif d’une durée maximale de quatre ans.

De surcroît, l’Assemblée constituante œuvre à réformer l’économie avec le décret d’Allarde qui supprime les corporations, libère le travail, le commerce, l’industrie et organise le service public, ou avec la Loi Le chapelier qui proscrit les rassemblements et institue un régime général d’exercice collectif des métiers ouvriers et paysans. Cette monarchie constitutionnelle pour laquelle l’Assemblée législative ne peut signer les traités, déclencher les hostilités ou conclure la paix qu’à la seule initiative du roi est donc fermement établie le 3 septembre 1791. Le roi y est juridiquement responsable s’il s’enfuit du royaume, s’attaque à la nation ou ne s’oppose pas à une telle action faîte en son nom. En effet, sa fuite vient d’être stoppée à Varennes alors que la déclaration de Pillnitz appelle les royaumes européens à «agir d’urgence au cas où ils seraient prêts». Il faut dire que depuis ces évènements, le bellicisme des prosélytes révolutionnaires ne désemplit pas et se mélange à un opportunisme certain. L’exaltation serait même de rigueur après que le député de la Seine Jacques Brissot ait proclamé «le moment venu d’une nouvelle croisade : Une croisade de liberté universelle» et avant que l’Assemblée législative n’obtienne le prétexte nécessaire à une déclaration de guerre qu’elle vote à la quasi-unanimité sur proposition du roi de France. Ainsi, le simple refus de l’Archiduc d’Autriche François II de disperser ses armées émigrés de Rhénanie aura suffi à engager la fragile nation française dans les affres de la guerre.

Car l’armée républicaine ne peut véritablement pas répondre à cette chimère et la panique est telle que le manifeste de Brunswick menaçant d’une «exécution militaire et d’une subversion totale» la Commune de Paris y déclenche l’insurrection. En réaction, l’Assemblée législative vote d’emblée, et à l’unanimité, la convocation d’une Convention nationale, la révocation des ministres, la détention du roi de France tout en désignant à la hâte des commissaires aux pouvoirs illimités. Et, étonnament, malgré son anticléricalisme certain, la République française semble encore croire au miracle. Sinon, comment expliquer le mouvement de repli des monarchistes à la bataille de Valmy, à moins de deux cent kilomètres de Paris ? Ce coup de théâtre de l’année 1792 fait encore l’objet de spéculations, car d’aucuns ne sauraient estimer la perte de cent quatre-vingt-quatre soldats monarchistes comme l’élément légitime d’un tel retournement. Mais, bien évidemment, les députés de la Convention nationale n’en ont que faire lorsqu’ils proclament la République française au lendemain, alors que l’on suspecte l’existence d’une contrepartie financière. La raison d’une telle méfiance reposerait sur le vol des joyaux de la couronne, sous la surveillance des gardes nationaux dans l’hôtel du Garde-Meuble, la semaine précédant la bataille. Quoi qu’il en soit, cette Convention a comme légitimité républicaine d’avoir été la première assemblée nationale française élue au suffrage universel masculin. La faible participation du corps électoral (11,9 %) à son scrutin à deux degrés réservé aux citoyens actifs prouve cependant le faible impact des idéaux révolutionnaires dans les provinces françaises. C’est un fait, la Convention ne parviendra jamais à être populaire, puisqu’à la condamnation à mort du roi de France lui succède la légalisation de la Terreur. La simplification à l’extrême de la procédure de mise en accusation supprime effectivement les droits de la défense et accorde aux jurés la possibilité de condamner sur simple preuve morale. Cent mille exécutions et cinq cent mille emprisonnements arbitraires seront prononcés sur la seule base juridique de la loi du 22 prairial.

Cette chasse aux ennemis s’appuie aussi sur l’enthousiasme délirant que procure les rares victoires républicaines comme lors de l’annexion des Pays-Bas autrichiens ou la prise des Provinces-Unies, grâce à l’armée d’exilés de la révolution batave. Car dès cette époque, les dépenses militaires stimulent l’élaboration d’une nomenclature de mesures républicaines, l’introduction du franc comme unité monétaire officielle et une certaine imagination financière quant à l’émission d’assignats ; Des titres d’emprunt libellés en franc gageant leur valeur par assignation sur les biens nationaux confisqués sans indemnité pour un montant de trois milliards de livres tournois. La République française en fait du reste grand usage pour ses dépenses courantes et les diffuse comme un papier-monnaie au cours forcé dont la peine de mort sanctionne la non acceptation. Une surévaluation qui facilite le transfert de la propriété tout en finançant la guerre. Voilà comment, à la proclamation de la République batave l’année 1795, la somme en circulation dépasse les dix milliards de livres tournois pendant que le Directoire en faillite croit trouver en Napoleone di Buonaparte le militaire capable de le défaire des entraves de la coalition monarchiste.




Louisiane


Celui-ci, propulsé commandant en chef de l’armée d’Italie, seulement six mois après que ses canons eurent réprimer les insurrections royalistes de l’an IV, considère inutile de débarquer en Grande-Bretagne et planifie une expédition en Égypte l’année 1797. Selon lui, la conquête de cette province ottomane nuirait aux intérêts britanniques, mais c’est tout le contraire qui s’y produit. D’une part, la destruction de la flotte française dans la baie d’Aboukir, à laquelle s’ajoute l’offensive mamelouk alliée aux britanniques, condamne son corps expéditionnaire et, d’autre part, la campagne d’Égypte fragilise si bien l’administration ottomane qu’elle offre aux britanniques l’opportunité de prendre le contrôle de l’Égypte. La République française présente cependant l’expédition comme un succès pour qu’il puisse réussir son coup d’État du 18 brumaire 1799. Napoléon Bonaparte se nomme alors Premier Consul d’une commission consulaire exécutive où les seconds, Sieyès et Ducos, n’ont qu’un rôle consultatif. Puis, il ne cesse de concentrer tous les pouvoirs, que ce soit par la réforme du 14 thermidor de l’an X le proclamant Consul à vie, la constitution de l’an X abandonnant le suffrage universel ou le plébiscite le confirmant empereur héréditaire des Français. Mais l’histoire républicaine ne semble retenir que l’introduction des Codes napoléoniens en oubliant que de nombreux nationalismes émergeront de l’opposition à cet autoritarisme impérialiste ; Ce sera le cas de la guerre d’indépendance espagnole, de son corollaire des guerres d’indépendance d’Amérique du Sud, de la Guerre patriotique russe ou de la création de la Confédération du Rhin.

Cette dernière entité résume à elle seule la contradiction bonapartiste étant donné que ce nationalisme germanique devait affaiblir le Saint-Empire romain germanique et non encourager la défection des alliés Saxons à la bataille des Nations. Ce genre de déconvenues n’est certes pas l’apanage exclusif du bonapartisme, puisque le Congrès de Vienne reconnaîtra implicitement les nationalismes qu’il qualifiera de « nouvelles calamités menaçant l’Europe », mais la contradiction bonapartiste ne s’arrête pas là. En effet, alors qu’il est censé ruiner l’Angleterre, le Blocus continental retarde le processus d’industrialisation pendant plusieurs décennies en Europe continentale. L’anéantissement de la flotte navale française à la bataille de Trafalgar participe à l’échec de cette stratégie tout en favorisant l’établissement d’une Relation spéciale entre les britanniques et l’Amérique. D'ailleurs, au cours de la Quasi-guerre, le Congrès des États-Unis d’Amérique abroge tous les traités bilatéraux conclus avec l’administration française, ordonne l’instauration d’un embargo et soutient la révolution à Saint-Domingue.

Un titre d’achat Hope and Co de la Louisiane
Pire, l’économie française ne bénéficie pas longtemps des vingt mille réfugiés français partis de cette île, qui cultivent la canne à sucre et produisent les deux tiers du coton mondial au sud des États-Unis d’Amérique, car le Consulat s’empresse bien vite de vendre la Louisiane française. Et bien au-delà, puisqu'il propose de vendre tout son territoire colonial allant du Mississipi aux montagnes Rocheuses et du golfe du Mexique à la terre de Rupert. De cette façon, la superficie du territoire américain double rapidement pendant que l’on recherche une interconnexion des fleuves navigables jusqu’au Pacifique. Au demeurant, les conventions de cession prévoient le paiement de plus de onze millions de $, dont un minimum annuel de trois millions de $, payables en bons du Trésor américain au taux d’intérêt annuel de 6 %, à la condition que le Consulat paye ses dettes aux citoyens américains pour vingt millions de francs. Ces conventions ne sont cependant pas complètement respectées et l’année 1803 le Consulat vend ses bons du Trésor américain aux banques Hope and Co Londres et Barings Bank en échange d’un paiement cash de moins de neuf millions de $. Ces banques bénéficient ainsi d’une réduction de 20 % et engrangeront de substantiels profits après avoir diviser le fonds en titres de créances d’une valeur de quatre cents $ chacun. Les seuls intérêts annuels, qui représentent plus de sept cent mille francs, courront pendant près de dix-sept années. Notons à titre de comparaison qu’un ouvrier parisien perçoit un salaire d’un franc par jour.

Et une fois de plus, nous sommes ici en présence d’une contradiction bonapartiste. Sans la vente de la Louisiane l’industrie textile anglaise n’aurait pas pu tenir à l’écart l’économie française de l’innovation cotonnière. En réalité, cette vente permet aux manufactures anglaises d’importer jusqu’aux deux tiers de la production mondiale de coton brut pour que les entrepreneurs britanniques puissent tisser leurs grandes pièces avec la navette volante tout en exploitant des mécaniques à filer telles que la Water frame hydraulique ou la Mule-jenny thermique. Les producteurs de coton de Géorgie ou de Caroline du Sud multiplient aussi par vingt leur production en associant la Cotton gin (une égreneuse séparant la graine de sa fibre) à une nouvelle variété: le Sea Island cotton. Pourtant, un problème subsiste. Cette mécanisation agricole précoce à laquelle s’était ajoutée l’abolition de la traite négrière l’année 1808 ne fait pas diminuer le nombre d’esclaves aux États-Unis d’Amérique. De trente-cinq mille au milieu du XVIII ème siècle, leur nombre passe à plus de quatre millions, un siècle plus tard. Parfois, la faute en incombe même au Congrès américain, qui encourage massivement la colonisation, comme lors de la vente à prix dérisoire des terres d’Alabama prises aux indiens Creek après la Guerre de 1812. Dans cette région, la population passe de neuf mille à cent vingt-huit mille habitants en une seule décennie. Cette colonisation esclavagiste n’est pas non plus profitable à l’économie américaine, puisqu’elle engendre une crise bancaire l’année 1819 suite à des défauts de paiement sur les crédits d’achat de ces terres. À l’inverse, le système bancaire britannique ne connaît pas de crise, grâce à un boom minier résultant des guerres d’indépendance, rendues possibles par la guerre d’indépendance espagnole contre le bonapartisme, menées par le président de la République de Colombie, du Pérou et de Bolivie, Simón Bolívar, aidé de la République d’Haïti et des Légions britanniques. L’Act for the Resumption of Cash Payments peut donc reprendre la convertibilité en or des billets de la Banque d’Angleterre en cette même année 1819, tandis que la doctrine du président des États-Unis d’Amérique Monroe interdira bientôt le continent américain au colonialisme européen.



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